Un an après le décès de plus d’une dizaine de migrants subsahariens qui tentaient d’approcher les côtes de Ceuta, suite à l’intervention de la Guardia civil, une pétition de 95 000 signatures a été présentée aux sénateurs espagnols, vendredi 6 février. Celle-ci se demande l’abandon du projet de loi qui autorise l’expulsion immédiate des migrants qui viennent d’entrer dans les enclaves espagnoles.

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Alors que l’Union européenne et le Maroc discutent d’un accord de réadmission concernant entre autres les migrants subsahariens parvenus à Ceuta et Melilla, une pétition de 95 000 signatures a été présentée aux sénateurs espagnols, vendredi 6. Elle leur demander de ne pas donner leurs voix à l’amendement de la Loi sur la Sécurité citoyenne qui doit légaliser les « expulsions à chaud » (devoluciones en caliente) – c’est-à-dire les expulsions immédiate par les policiers espagnols des migrants qu’ils interceptent entre les barrières qui forment la frontière de Ceuta et Melilla - vers le Maroc.


Le même jour, le rapporteur spécial sur les droits des migrants pour les Nations Unies a répété ses inquiétudes. Lors d’une conférence de presse à Bruxelles, en marge d’une visite de trois jours avec différents représentants européens, il a demandé à ce que soit réalisé un « contrôle indépendant » de la situation dans les deux enclaves espagnoles pour déterminer si se produisent effectivement des « expulsions à chaud » de migrants. « J’ai moi-même demandé à plusieurs reprises, à la fois à la Commission de l’UE et aux différents organes des Nations unies qu’ils se rendent à Ceuta et Melilla pour observer et contrôler ce qui se passe dans ces deux enclaves », nous a expliqué Jon Inarritu, député madrilène au Congrès espagnol (équivalent de la Chambre des représentants) pour la Coalition indépendantiste basque, Amaiur.
Avec l’enquête ouverte par le juge Emilio Lamo Espinosa pour prévarication contre le colonel en chef de la Guardia Civil, Ambrosio Martin Villasenor, sur la base de plaintes de plusieurs associations, et d’une vidéo qui ne laisse aucune place au doute, les différentes institutions nationales et européennes ont pris conscience de l’existence de ces expulsions immédiates et des intentions de l’Espagne qui prévoit même de les légaliser. Les organisations européennes et onusiennes ont ainsi exprimé à plusieurs reprises leur préoccupation.


Début novembre 2014, la commission européenne s’est dite « préoccupée » par le traitement que réservent les autorités espagnoles aux migrants tentant d'entrer irrégulièrement dans l'enclave espagnole de Melilla. Elle a également écrit à Madrid pour demander des « clarifications », selon son porte-parole. L’ambassadeur de l’Union européenne à Rabat, Rupert Joy, a indiqué, il y a quelques jours, lors de sa conférence de presse annuelle, combien il sentait la nouvelle Commission européenne préoccupée par la question des migrations et consciente de sa complexité.


Le 16 janvier, le Conseil de l’Europe a déclaré que l’intention de l’Espagne d’amender sa loi sur la Sécurité citoyenne était contraire à ses engagements internationaux et ne correspondaient pas aux droit européen et à celui des Nations Unies. Le 19 janvier, l’Espagne elle-même a dû s’expliquer sur ces expulsions, dans le cadre de l’examen périodique universel devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Malgré ces interpellations venues de toutes parts, « les expulsions par la Garde civile et des Forces auxiliaires marocaines (en territoire espagnol) au Maroc n’ont jamais cessé », insiste le député.


Au contraire, la Guardia civil a fait preuve de sa réticence à collaborer avec le juge Emilio Lamo Espinosa. Courant janvier, la presse a révélé que les vidéos de surveillance des 18 juin et 13 août dernier qui devraient avoir enregistré la tentative d’immigration irrégulière de migrants subsahariens par la clôture frontalière de Melilla mais aussi leur expulsion immédiate par la Guardia civil, ont disparu. Plus exactement, les bandes d’enregistrement ont été réutilisées alors même que la Cour de Melilla avait ouvert une enquête 7 jours après les faits. « L’enregistrement n’a pas été demandé par le juge [à temps] et la preuve principale est la vidéo qui existe [faite par les ONG qui ont déposé plainte, ndlr] », tempère Jose Luiz Rodriguez, l’un des avocats des associations.

yabiladi, le 09.02.2015

Julie Chaudier