Le quotidien indépendant romain « Domani » a réussi à se procurer, avec la collaboration du journal britannique « The Guardian » et de la chaîne de télévision italienne RAI News, des documents retranscrivant des écoutes téléphoniques datant de 2017. Ces documents, en possession du parquet de Trapani, en Sicile, prouvent l’inertie des garde-côtes libyens face aux naufrages de migrants dans leurs eaux territoriales.

Avec notre correspondante à Rome, Anne Le Nir

Les révélations sont glaçantes, rapporte notre correspondante à Rome, Anne Le Nir. On apprend notamment que le 24 mai 2017, à l’aube, après avoir reçu un appel par téléphone satellite d’un des 600 migrants à bord d’un bateau en difficulté dans les eaux territoriales libyennes, les responsables des garde-côtes italiens tentent de contacter cinquante fois leurs homologues libyens. Ils n’obtiennent que cette réponse d’un militaire : « Je ne parle pas l’anglais ». Quelques jours plus tard, l’agence des Nations unies pour les réfugiés annonce la mort de 33 migrants, dont 7 enfants, le matin du 24 mai. 

Moins d’un mois après, le vendredi 16 juin, un scénario encore plus désastreux se reproduit. Un officier des garde-côtes italiens contacte un collègue libyen et lui explique que « dix embarcations de fortune sont à la dérive ». Celui-ci lui répond : « Je verrai ce que je peux faire, mais aujourd’hui c’est un jour de congé ».

Résultat : entre le 16 et 17 juin 2017, 126 personnes sont mortes noyées dans les eaux libyennes. Alors qu’à cette époque, l’Europe et l’Italie finançaient déjà la Libye pour l’aider à mieux contrôler les flux migratoires.

Matteo Salvini jugé en septembre

Matteo Salvini, chef du parti italien d'extrême droite de la Ligue, sera jugé pour avoir bloqué des migrants en mer en 2019 alors qu'il était ministre de l'Intérieur, a décidé le tribunal de Palerme. Le procès de l'ex-ministre, qui était également à l'époque vice-Premier ministre dans le gouvernement de Giuseppe Conte, débutera le 15 septembre.

Il est accusé de séquestration de personnes et d'abus de pouvoir pour avoir interdit le débarquement de 147 migrants secourus en mer par l'ONG Open Arms en août 2019 et refusé pendant six jours d'accorder un port sûr au navire de l'ONG espagnole, qui mouillait au large de la petite île italienne de Lampedusa (au sud de la Sicile) alors que les conditions à bord s'aggravaient.

 

Publié par Ann le Nir sur RFI, le 17/04/2021

Entre le 16 et 17 juin 2017, 126 personnes sont mortes noyées dans les eaux libyennes (image: les restes d'un naufrage en Méditerranée). 

*REUTERS/Giorgos Moutafis