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La Libye tire la sonnette d'alarme face à l'ampleur de la migration clandestine - Les menaces à peine voilées distillées par le vice-ministre libyen de l'Intérieur Salah Mazeg  contre l'Europe de 'faciliter' le passage des migrants clandestins, vite apaisées par le gouvernement qui a réitéré son respect des engagements en matière de lutte contre l'immigration clandestine, traduisent un profond malaise au sein des autorités libyennes face à un phénomène dont l'ampleur dépasse largement les capacités du pays.

En effet, confrontée au chaos sécuritaire depuis la chute du régime du dictateur Mouammar Kadhafi et avec lui l'effondrement de toutes les structures de l'Etat, les nouvelles autorités libyennes peinent à contrer la déferlante des migrants candidats à l'émigration clandestine vers l'Europe.

Pas un jour ne passe sans que des dizaines de migrants ne soient arrêtés sur toute l'étendue du territoire libyen, soit en route vers l'Ouest où se trouve la côte, soit en pleine mer en train de prendre le large vers la rive Nord de la Méditerranée.

Les organes de sécurité, Armée et Police en cours de gestation, ne savent où donner de la tête tant les tâches sont énormes pour ce pays dont tous les efforts sont tournés vers les problèmes internes en vue de la reconstruction d'un nouvel Etat.

Fin avril, le gouvernement avait déjà tiré la sonnette d'alarme face à la multiplication des flux de candidats à l'émigration clandestine, en décidant d'étudier les mécanismes pour lutter contre ce phénomène qui connaît un regain en cette période de l'année. Plus de mille migrants issus de différents pays de l'Afrique subsaharienne ont été arrêtés ces derniers jours au large des côtes libyennes en partance pour la rive Nord de la Méditerranée.

L'amélioration des conditions climatiques, avec l'approche de l'été, a augmenté le flux des migrants vers cette aventure dangereuse à la recherche de l'Eldorado européen dont les mirages s'arrêtent pour bon nombre de ces aventuriers, notamment plus chanceux, dans des centres de rétention surpeuplés et dépourvus de conditions minimales de dignité humaine.

Les malchanceux finissent au fond de la mer après le naufrage de leurs  embarcations de fortune et sont rejetés quelques jours plus tard sur les plages de la Méditerranée et enterrés dans des tombes anonymes, dans un carré qui leur est réservé dans un cimetière à Tripoli.

Dimanche, quarante corps de migrants africains dont l'embarcation, qui transportait 130 passagers, a fait naufrage au large de Tripoli il y a deux jours. C'est la même histoire qui revient sans cesse comme un leitmotiv dans la bouche de tous les migrants rencontrés à Tripoli par la PANA.

L'idée d'émigrer commence à germer au pays d'origine en voyant certains compatriotes revenir avec une voiture et de l'argent avec lequel ils construisent rapidement une maison, se marient et fondent un foyer.

Mais aussi, certaines familles souffrant de misère et voyant toute perspective d'avenir s'amenuiser dans le pays, incitent leurs enfants à émigrer, leur faisant comprendre qu'il est l'unique espoir de la famille pouvant  la  sortir de ces mauvaises conditions de vie

C'est alors que débute le plan du projet d'aventure avec la collecte de l'argent du voyage vers la Libye, réuni souvent grâce au sacrifice consenti par les parents qui ont ponctionné leurs maigres économies ou vendu un animal domestique (vache, bœuf, âne ou cheval), une parcelle de terre ou des parures héritées des grands parents.

Amadou Hamat du Niger, Nadal Diongar du Tchad, Abdoul Sow de Mauritanie, Francis Chalenguia du Nigeria et autres jeunes d'Erythrée et du Soudan rencontrés par la PANA racontent leur venue en Libye  pour amasser le pactole nécessaire pour payer le prix du voyage vers l'Europe.

Les circuits sont bien rodés et depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, les passeurs se sont multipliés, profitant du vide sécuritaire dans le pays pour s'en donner à coeur joie à leur fructueux trafic.

Le prix oscille entre 500 et 1.500 dinars libyens (entre 400 et 1.200 dollars américains), les prix ayant baissé en raison de la réduction des risques pour les trafiquants qui ont vu la probabilité de se voir arrêter devenir quasi-nulle.

Les bandes de trafiquants comptent aussi bien des Libyens que des ressortissants de pays africains installés depuis des années en Libye et qui ont réussi à se fondre parmi la population grâce à la maîtrise de la langue et à l'acquisition de faux papiers.

Malgré les risques encourus par les migrants qui, s'ils tombent entre les mailles des multiples milices armées libyennes, sont certains de souffrir le martyr de la part d'ex-rebelles peu soucieux des considérations des droits de l'Homme, n'ont pas réussi à dissuader les migrants de tenter l'aventure.

Pays à la fois de transit et d'accueil des migrants, la Libye, qui a des frontières communes avec six pays subsahariens, a assuré par le biais du gouvernement que ces vagues de candidats à l'émigration, qui transitent par son territoire, lui créent d'énormes problèmes.

Les structures de l'Etat manquent d'équipements pour lutter contre ce phénomène qui s'amplifie de jour en jour, explique Aymen Gacem, le porte-parole de la Marine libyenne chargée d'arraisonner et de secourir les migrants en haute mer dans leurs embarcations de fortune.

Même discours pour les responsables des centres d'accueil des immigrés qui se plaignent du manque de moyens et de la surpopulation de ces centres où les conditions de vie sont difficiles.

L'attitude du ministre libyen de l'Intérieur par intérim, qui est partagée par de nombreux Libyens, vise en définitive, à inciter les pays européens à soutenir davantage les efforts de la Libye qui est débordée par l'ampleur du phénomène.

Les pays européens, premières victimes de l'émigration, continuent malgré tout à privilégier les approches sécuritaires en fermant leurs espaces au lieu d'alternatives économiques pouvant régler de façon durable la problématique de l'émigration.

De nombreux experts reconnaissent que, s'il arrive aux pays européens d'adopter d'autres options que celles sécuritaires, leurs solutions demeurent toujours des initiatives de rechange ou de colmatage de brèches sans véritable vision à long terme du problème de l'émigration.

Ainsi, ces mêmes experts citent en exemple les accords bilatéraux avec certains pays tels que le Sénégal, la Tunisie ou la Libye pour des problèmes ponctuels sans projection dans le long terme, ni une approche globale de la question.

Il est urgent, selon eux, pour les pays européens en particulier et les pays occidentaux en général, de bien assimiler cette leçon en prenant à bras le corps le problème de l'émigration à travers un véritable partenariat avec le continent africain tout entier représenté par l'Union africaine pour réfléchir à des solutions globales et durables.

Ces solutions ne sauraient réussir sans un développement des pays africains à travers des projets créateurs d'emplois, permettant de fixer les populations chez elles.

 

Pana 

 

AfriqueJetActualités, le 12 Mai 2014